À contre-courant: 5 livres pour révéler l'écologie à l'écologiste

À contre-courant: 5 livres pour révéler l'écologie à l'écologiste

Christophe Hébert

Dans "À contre-courant" sur le blog de la Librairie du Fleuve, je suggérerai des lectures sur des thèmes chers et importants à l'être moderne, en tentant d'éviter les lieux communs, idées faciles et autres réflexions de surface en privilégiant les auteurs radicaux (de radical: "Qui vise à agir sur la cause profonde de ce que l'on veut modifier").

Chers lecteurs,

Cette semaine dans "À contre-courant", nous explorerons 5 recommandations de lecture pour révéler l'écologie à l'écologiste. Par ceci je veux dire que je crois qu'il s'agit ici de textes importants et cruciaux pour une remise en question fondamentale du mouvement écologiste moderne, que ce soit par une lecture de certains textes fondateurs ou par une critique lucide sur les "progrès" faits par le mouvement depuis sa politisation (ou sa subversion, c'est selon...).

Je joindrai le résumé de quatrième de couverture à chaque suggestion. Je vous encourage à chercher ces livres dans vos librairies de livres d'occasion favorites, ou de les acheter chez vos librairies indépendants de quartier. Bonne lecture à tous et bonne semaine!

Christophe, libraire du Fleuve

1. La nature du combat: pour une révolution écologique, de Jacques Ellul et Bernard Charbonneau

Figures majeures de l'écologie, Bernard Charbonneau et Jacques Ellul ont édifié une oeuvre commune. Leur pensée en dialogue, publiée dans le journal Combat nature, témoigne de leur vie d'engagements pour la défense de l'homme et de la Terre. Tout en livrant une critique fondamentale du développement exponentiel, ils ouvrent des perspectives pour une nécessaire révolution, car chez eux, la théorie n'est jamais séparée de l'action.

Bouleversement de la condition humaine par la technoscience, idéologie du changement perpétuel, course à la puissance militaire et industrielle, artificialisation galopante de notre milieu de vie, massification de la culture, centralisation politique et économique... Face à un prétendu "Progrès" qui menace à la fois la nature et la liberté, Jacques Ellul et Bernard Charbonneau mettent en cause la civilisation de croissance. Ils nous exhortent à résister au bulldozer du développement, à transformer nos modes d'existence, à préserver la paysannerie et les sociétés locales. C'est à une véritable conversion, dans les principes comme dans les pratiques, que chacun est appelé.

À l'heure où l'écologie est largement dévoyée dans sa traduction politicienne, ces penseurs phares continuent de nous guider. Pour ne jamais perdre de vue la nature du combat.

2. L'écologie, champ de bataille théologique, de Stéphane Lavignotte

Dieu est-il écolo?

L’écologie est aujourd’hui présentée par ses détracteurs comme une "nouvelle religion". Et si les climato-négationnistes mettaient le doigt sur une question central : celle de l’arrière-plan théologique qui sous-tend nos conceptions de l’humain, du vivant et du rapport entre les deux ?

Pasteur et militant écologiste, Stéphane Lavignotte tente ici de saisir les racines théologiques de la crise écologique. Il montre en quoi deux millénaires de judéo-christianisme ont instillé dans notre vision du monde l’idée d’une humanité supérieure à la nature, au reste du vivant. Mais la religion des terrestres ne se réduit pas à son versant anthropocentriste.

De François d’Assise au Pape François, en passant par Henry David Thoreau et Jacques Ellul, une théologie chrétienne plus souterraine est venue nourrir l’écologie. Alors, Dieu est-il écolo ? La réponse est éminemment complexe: l’avenir de l’écologie, démontre Lavignotte, se joue aussi au niveau de nos imaginaires.

3. La croissance verte contre la nature: critique de l'écologie marchande, de Hélène Tordjman

L'auteure expose et analyse les solutions économiques envisagées afin de permettre de préserver le capitalisme industriel et la nature. Elle critique notamment les dynamiques contre-productives de la logique extractiviste et de l'élargissement du droit de la propriété intellectuelle à toutes les sphères du vivant.

4. L'écologie libertaire d'André Gorz: démocratiser le travail, libérer le temps, de Céline Marty

"Lip, Larzac, même combat!"

Au coeur des années 1970, luttes écologistes et émancipation du travail aliénant se rejoignent. Au centre de cette convergence, un mot d'ordre : l'autogestion. Conceptualisée dans l'effervescence contestataire des années 1960 et 1970 par André Gorz, héritier de Sartre et de Marx, l'autogestion est une réponse à l'aliénation du sujet dans toutes ses conditions matérielles d'existence. Ainsi Gorz décline-t-il ce projet émancipateur dans les sphères du travail, des besoins et du temps.

Pionnier de l'écologie politique, il montre les limites matérielles de la croissance et les dégâts du capitalisme industriel, en dialogue avec Marcuse et Illich. Critique de la société salariale, il défend la réduction du temps de travail, le temps libre et le revenu universel, en échange avec Habermas et Negri. Dans cet essai, Céline Marty offre une lecture inédite et exhaustive de l'oeuvre d'André Gorz à l'aune de cet idéal d'autonomie. Partant, elle souligne combien celle-ci peut nourrir et guider l'écosocialisme et ses luttes aujourd'hui.

5. Le Puritanisme vert: Aux origines de l'écologisme, de Philippe Pelletier

Pour la plupart d'entre nous, l'écologie est un courant politique de gauche qui s'appuie sur la science du même nom. Or, écologie « punitive », injonctions de tous ordres (alimentaires, comportementales...), frugalité austère et catastrophisme sont autant de signes qui devraient nous interroger : et si l'écologisme (le courant politique) s'enracinait aussi dans le puritanisme anglo-saxon conservateur ?

C'est du moins l'hypothèse de Philippe Pelletier qui met au jour un "puritanisme vert" ayant partie liée avec la confession protestante du même nom, dont les membres, embarqués sur le Mayflower, choisirent d'émigrer en Amérique à partir de 1620. L'homme, depuis Adam chassé du paradis terrestre (un jardin!), serait pécheur et viendrait, par essence, déséquilibrer une nature sans lui harmonieuse, création parfaite du Créateur de toutes choses. Est-ce un hasard si la protection de la nature passe par la création de parcs naturels et de réserves où l'homme n'est plus le bienvenu, et si les collapsologues nous prédisent l'apocalypse (au sens de "révélation")?

Cet essai solide, stimulant et iconoclaste, mobilise une abondante littérature internationale et permet d'éclairer d'une lumière neuve l'histoire des pensées liées à l'écologisme. Il présente le mérite de nous forcer à repenser les responsabilités des crises environnementales actuelles, qui sont peut-être moins liées à la nature pécheresse et définitivement déchue de l'humanité qu'à un système économique et politique bien particulier. Des incursions du côté du Japon ou encore de la mésologie y sont autant d'invitations à penser selon d'autres schémas peut-être plus fructueux.

Bonus. Le feu vert, autocritique du mouvement écologique, de Bernard Charbonneau

Comment écrire un article sur le mouvement écologique sans mentionner Le feu vert? Et pourtant je ne voulais pas retirer aucune des suggestions ci-dessus, alors un petit bonus était de mise. Même pas besoin du quatrième de couverture pour celui-ci, si vous ne l'avez toujours pas lu, aller, au pas de course!

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